vendredi 10 septembre 2010

Pourquoi on parle le français (ou presque) à Verviers ? (I)

1ère partie : la colonisation romaine
Quelles langues a parlé la population de Verviers dans sa vie quotidienne (non pas la langue écrite, lue dans les livres, les journaux ou pratiquée dans les actes administratifs mais celle réellement usitée dans la vie courante) ?
La langue celte (ou gauloise, assez unifiée) a été présente dans la région pendant 1500 ans. Ensuite, à partir de la colonisation romaine, la langue évolué : d’abord en un mélange aux proportions incertaines entre le celte et le latin populaire, ensuite en un ‘dialecte’ roman local sous les Mérovingiens (qui n’a guère laissé de traces), puis, du milieu du VIIIème siècle jusqu’aux années 1980 (?), vers le wallon, avec une connaissance passive du français depuis 1250 tendant vers un bilinguisme de plus en plus soutenu, enfin vers le français (avec ses belgicismes) depuis 30 ans.
On constate qu’actuellement, le wallon recule à mesure de la disparition de la population la plus âgée et devient une langue morte, bientôt considérée comme patrimoine culturel. Le nombre de locuteurs en wallon a brusquement décliné entre 1930 et 1960, après des siècles de stabilité. La création de la Région wallonne, organe de l’Etat belge, n’a nullement enrayé la chute.
Verviers aurait pu devenir néerlandophone ou germanophone. Nulle prédestination en la matière : la langue est bien le produit de l’interaction entre les hommes.
Verviers est aujourd’hui proche de la frontière linguistique qui sépare le français de l’allemand. Dans le passé, elle en était plus proche encore.
Voyez l’étymologie de Stembert - stein berg, montagne de pierre, celle de Grand et Petit-Rechain - habitation (germanique, -haima) du riche, du puissant (germanique, rikja-). Plus à l’est, celle de Bilstain dont le nom signifie roche (-staina) en saillie (bili-). Ces noms ont été formés à la suite de la colonisation franque qui a poussé jusqu’au voisinage immédiat de Verviers sans vraiment s’y établir, indique Henri Pirenne.
Lorsque Jules César arrive près de Liège (-54), il y combat les Eburons (celto-germaniques), qui possèdent une forteresse à Atuatuca : peut-être s’agit-il de l’actuelle Tongres, située sur l’arrête séparant les bassins hydrographiques mosan et scaldien.
En peu de temps, Rome conquiert les Belges. Pendant trois siècles d’occupation romaine, les campagnes de la province sont au contact avec les légions et les colons qui sont venus vivre dans la région. La centralisation politique s’opère à partir de Tongres (qui sera finalement la seule grande ville romaine de l’actuelle Belgique).
Pour vivre, il faut savoir communiquer avec les occupants qui développent le commerce et l’industrie. Les colons romains parlent le latin vulgaire. Ce latin parlé, dépourvu du squelette de l’écriture, se différencie localement au contact avec le celticisme rémanent.
Par ailleurs, les Romains intègrent des dieux gaulois au Panthéon (telle la déesse Arduinna-la-Noire, chevauchant les sangliers, assimilée à Diane et source des célèbres Vierges noires).

La rurale et paisible Verviers a-t-elle échappé à la romanisation ? Certains auteurs estiment que les Romains n’ont été présents qu’à Tongres et dans quelques lieux, sans se répandre dans les campagnes. Pourtant, les traces archéologiques à Verviers ne peuvent qu’impressionner : une médaille en argent de l'empereur Hadrien trouvée en face du pont des Récollets ; une monnaie en or d'Antonin le Pieux au pied de la Montagne de Hombiet ; un trésor monétaire à Petit Rechain (50 pièces en argent, époques de Valérien et Gallien, Chaussée de la Seigneurie) ; des vestiges d’un cimetière romain en Terre Hollande ; plusieurs tombes romaines contenant des vases perdus par la suite, à l’exception de quatre acquis par J.S. Renier, actuellement au musée communal de Verviers ; quatre tombes romaines à Stembert (lieu-dit Trawa) qui fournit trois monnaies de bronze, une épingle en cuivre doré, quatre objets de bronze, deux en verre, une statuette, 26 poteries (beaucoup de ces découvertes furent abîmées durant ces fouilles d’une époque révolue) ; des vases romains trouvés à Heusy (Thiervaux, villa Laoureux) dans un tumulus aplani durant le chantier.


Au 1er siècle, Theux (appelé Tectis) et Juslenville possèdent une villa, des thermes, un temple dédié à Jupiter, Junon et Minerve, un cimetière belgo-romain (daté de 70-80 après JC). A Spa, nous découvrons d’autres souvenirs romains. A l’époque, Liège n’est guère plus développée : une villa romaine munie d’un hypocauste sur le site de l’actuelle Place Saint-Lambert.

Rien ne permet d’affirmer avec certitude que le celte aurait survécu dans les campagnes jusqu’à l’arrivée du christianisme qui fut pionnier en 330-350, mais qui ne se développa véritablement qu’après l’arrivée des moines de l’Abbaye de Stavelot à partir de 650. Le wallon ne dérivant pas du celte, mais bien du latin parlé, il faut bien envisager une longue pénétration des langues romanes dans les populations pour expliquer son essor dans la région, avant l’arrivée de l’ancien français (dialecte d’île de France, illustré par la Chanson de Roland).
A SUIVRE...

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